Il est clair que la lecture de ce genre de livres francophone démystifie complétement la compréhension et la réalisation d'un ampli à lampes...
Certaines personnes auraient peur d'y perdre toute leur aura
Ce petit jeu me rappelle l'excellent livre d'Umberto Eco : le Nom de la Rose
Post scriptum: ce que j'ai appris en un quart d"heure, d'autres auront mis plusieurs décennies à le faire
Post scriptum 2 : on peux toujours s'arranger et faire dans le feutré.
Citation:
"L'univers (que d'autres appellent la Bibliothèque) se compose d'un nombre indéfini, et peut-être infini, de galeries hexagonales, avec au centre de vastes puits d'aération bordés par des balustrades très basses. De chacun de ces hexagones on aperçoit les étages inférieurs et supérieurs, interminablement. La distribution des galeries est invariable. Vingt longues étagères, à raison de cinq par côté, couvrent tous les murs moins deux ; leur hauteur, qui est celle des étages eux-mêmes, ne dépasse guère la taille d'un bibliothécaire normalement constitué. Chacun des pans libres donne sur un couloir étroit, lequel débouche sur une autre galerie, identique à la première et à toutes. À droite et à gauche du couloir, il y a deux cabinets minuscules. L'un permet de dormir debout ; l'autre de satisfaire les besoins fécaux. À proximité passe l'escalier en colimaçon, qui s'abîme et s'élève à perte de vue. Dans le couloir il y a une glace, qui double fidèlement les apparences. [...] Chacun des murs de chaque hexagone porte cinq étagères ; chaque étagère comprend trente-deux livres, tous de même format ; chaque livre a quatre cent dix pages ; chaque page, quarante lignes, et chaque ligne, environ quatre-vingts caractères noirs. Il y a aussi des lettres sur le dos de chaque livre ; ces lettres n'indiquent ni ne préfigurent ce que diront les pages : incohérence qui, je le sais, a parfois paru mystérieuse. [...] Il y a cinq cents ans, le chef d'un hexagone supérieur mit la main sur un livre aussi confus que les autres, mais qui avait deux pages, ou peu s'en faut, de lignes homogènes et vraisemblablement lisibles. Il montra sa trouvaille à un déchiffreur ambulant, qui lui dit qu'elles étaient rédigées en portugais ; d'autres prétendirent que c'était du yiddish. Moins d'un siècle plus tard, l'idiome exact était établi : il s'agissait d'un dialecte lituanien du guarani, avec des inflexions d'arabe classique. Le contenu fut également déchiffré : c'étaient des notions d'analyse combinatoire, illustrées par des exemples de variables à répétition constante. Ces exemples permirent à un bibliothécaire de génie de découvrir la loi fondamentale de la Bibliothèque. [...] Les impies affirment que le non-sens est la règle dans la Bibliothèque et que les passages raisonnables, ou seulement de la plus humble cohérence, constituent une exception quasi miraculeuse. Ils parlent, je le sais, de "cette fiévreuse Bibliothèque dont les hasardeux volumes courent le risque incessant de se muer en d'autres et qui affirment, nient et confondent tout comme une divinité délirante". Ces paroles, qui non seulement dénoncent le désordre mais encore l'illustrent, prouvent notoirement un goût détestable et une ignorance sans remède. En effet, la Bibliothèque comporte toutes les structures verbales, toutes les variations que permettent les vingt-cinq symboles orthographiques, mais point un seul non-sens absolu. [...] Parler, c'est tomber dans la tautologie. Cette inutile et prolixe épître que j'écris existe déjà dans l'un des trente volumes des cinq étagères de l'un des innombrables hexagones - et sa réfutation aussi. (Un nombre n de langages possibles se sert du même vocabulaire ; dans tel ou tel lexique, le symbole Bibliothèque recevra la définition correcte : système universel et permanent de galeries hexagonales, mais Bibliothèque signifiera pain ou pyramide, ou toute autre chose, les sept mots de la définition ayant un autre sens). Toi, qui me lis, es-tu sûr de comprendre ma langue ?".
Amen !
De bibliotheca, Umberto Eco